Saison et travail oblige, si l'on veut monter en semaine, pas le choix, il faut braver la nuit! Les horaires ne sont pourtant pas exceptionnels : arrivée vers 18 heures – 18heures 30 aux écuries...mais le soleil a déjà disparu depuis longtemps!
L'aventure commence avec la recherche du cheval au paddock...il faut d'abord affronter le chemin pentu , les cailloux et branches qui surgissent sans prévenir,les ronces qui s'amusent à vous faire des croches-pieds, les chiennes (noires bien sûr!) qui surgissent sans prévenir, le tout dans le noir absolu en se maudissant comme tous les soirs de s'être encore dit qu'on allait y arriver sans lampe torche... quelques glissades plus tard, arrivée devant la barrière... le plus dur reste à faire, repérer à tâtons le licol posé à l'entrée du pré..;mais si je suis certaine de l'avoir laissé là hier...plus à droite peut-être...à non ça c'était une épine....penser à acheter un licol réfléchissant!!! Moment de doute..;mais qu'est ce que je fais là! Il fait froid, il fait nuit, je sens mon genou qui n'a guère apprécié la descente qui se manifeste, je pourrais être bien au chaud dans mon canapé, avec une tasse de thé fumant.... mais non, ça se sera pour un peu plus tard... il ne doit pas être loin ce licol! A moins qu'un des chiens se soit amusé avec? Non, il est là! Reste à trouver le cheval...et un cheval dans la nuit ça ne s'identifie pas si facilement que ça... heureusement, si Eros ne s'est pas trop roulé dans la boue ses balzanes , sa tache blanche et sa liste le trahissent ! Vu!Si si on y va je t'assure qu'en fait il n'est pas tard, c'est comme d'habitude!
Reste à refaire le chemin en sens inverse, sauf que quatre pattes même dans le noir ça va beaucoup plus vite que deux et que la remontée vers les écuries ressemblent souvent à du ski nautique!
Arrivée aux écuries , ouf de la lumière...histoire de constater les résultats de la thalasso quotidienne d'Eros..;et c'est partit pour un bon quart d'heure de musculation des bras version étrille américaine (comment vous ne connaissez pas ce nouvel appareil de musculation, pourtant c'est idéal!) et un bon moment aussi pour curer les pieds avec la boue compacte qui ne veut pas s'en aller.... Après cet échauffement, on est fin prêts pour aller travailler!
La carrière la nuit, c'est un monde à part...le silence, fini les cris des oiseaux, les piaillements des volailles, le fond sonore des tracteurs, des voitures, même les chiens se taisent.... rien, silence... concentration...attention... Quelques tours à pieds pour finir de s'échauffer, tester l'état de la bête (raide, chaud, endormi?) et apprivoiser les zones d'ombres et les flaques de lumière des projecteurs...rien de très rassurant pour un cheval! En selle, un peu de pas, quelques écarts, version slalom pour rester dans la lumière... on « petit trotte » rapidement, plutôt que ça chauffe au pas et que la pression monte, on s'installe sur un grand cercle, petit trot bien cadencé, rênes à peine ajustées, encolure basse... les muscles et les articulations se dégourdissent gentiment, pas de risque de se faire mal... une petite pause, on ressangle, et on commence les choses sérieuses... Beaucoup de trot, incurvation, transitions, équilibre, arrêt, reculer, allongement au trot, serrer le passage des coins, serpentines...pause...déplacement des hanches, épaule en dedans, quelques foulées de galop bien équilibré, bien cadencé à la suite de l'épaule en dedans, nouvelle pause, pas, rênes longues... on caresse, la vapeur accompagne les félicitations et les ébrouements, le poil est humide, les genoux, de la cavalière, protégés ni par les bottes ni l'imper commencent à s'engourdir..., il est de temps de reprendre le trot enlevé! Un peu de travail au galop, un long temps de pas pour faire sécher la bête et il est temps de remettre pied à terre pour retrouver la chaleur de l'écurie. C'est l'heure du repas, les chevaux au box s'impatientent, ça s'ébroue, ça hennit, ça gratte... Il faut se réhabituer à la lumière, au bruit... Un bon bouchonnage, cette odeur de paille, de foin...le nez ne décolle plus du fond du seau, jusqu'à la dernière miette du diner équin...retour vers le paddock, toujours version ski nautique, le pas est encore plus allant qu'à l'aller, accompagné de hénissements de détresse : et les copains, vous z'êtes où? La réponse arrive : on est là, t'inquiète pas! Passer la barrière sans s'emmeller entre la longe, la clôture, libérer Eros..., le regarder s'éloigner et se fondre dans la nuit... et rattaquer la montée dans le noir vers les écuries en priant pour que personne n'y éteigne la lumière, phare au bout du chemin... . Finalement, la nuit ce n'est pas si désagréable que ça...!