Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Née à Paris en 1856, Emilie Roux était la nièce de François Loisset (l'époux de Caroline Loyo). Sa soeur Clotilde, de deux ans son aînée et elle même débutèrent au cirque de leur oncle dont elles prirent leur nom, en 1872, comme écuyère de panneau.

Trois ans plus tard, suite à une chute, Emilie dut abandonner la voltige au profit de la haute école. Après la mort de leur oncle, les soeurs durent engagées en 1878 par Victor Franconi pour la saison du cirque d'été. Clotilde fit la conquète de Jean, prince de Reuss, qu'elle épousa très vite.

Emilie partit pour Berlin, et en 1882 se fiança au prince de Haszefeldt.

Voulant reparaitre une dernière fois devant son public parisien, elle revient au cirque d'hiver où elle fut victime en répétition d'un accident dramatique.

Continuons la série des amazones célèbres du XIXème, avec une nouvelle écuyère de cirque, au destin tragique, lié d'ailleurs hélas, à la selle d'amazone, qui a inspiré plusieurs auteurs de l'époque, sa vie est ainsi romancée dans La Petite Lambton, de Philippe Daryl (1886) ainsi cet hommage pour commencer: Emilie Roux, connue sous son nom de scène Emilie Loisset

Petits poèmes parisiens – Émilie Loisset Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889)

IL y a une huitaine de jours, nous soupions (quelques bons compagnons, good fellows, comme ils disent si joyeusement en Angleterre), chez Besse, aux Champs-Élysées, sur la terrasse du côté gauche, aux sons voisins de la musique du Cirque, hachés, en mesure, par le claquement rythmique des fouets, qui font cette musique tout à la fois équestre et sauvage... Que de fois je l’ai écoutée, en rêvant que j’étais clown ou postillon ! Or, ce soir-là, plus que jamais, ces coups de fouet retentissants et puissamment évocateurs ressuscitaient pour nous les virtuoses adorées et parties, – car elles sont parties et le Cirque, cette année, a perdu sa couronne ! Trois de celles qui nous passèrent le plus près du cœur, quand elles étaient là, revenaient du fond de nos souvenirs, au galop, dans nos conversations. C’étaient, est-il besoin de les nommer ? la grande Océana, belle comme son père l’Océan, et qui s’en est allée du côté des aurores boréales pour les augmenter d’une de plus, – puis l’O’Bryen, – cette poésie de lord Byron dans une statuette de Coysevox, l’étrange et mystérieuse danseuse aux chevilles ailées et à la bouche amère, dont personne n’a pu se vanter d’avoir vu – une seule fois – le sourire, – et enfin et surtout la pauvre et charmante Émilie Loisset, – la Chasteté à cheval, et que son cheval a tuée et dont justement, pendant toute la représentation de la veille, j’avais vu, moi, le spectre m’emplir, à lui seul, le Cirque tout entier et m’effacer cette foule de vivants qui étaient venus là, où elle ne reviendrait jamais plus !

 

 

Revenons sur son parcours, avec le BARON DE VAUX et son "ÉCUYERS ET ÉCUYÈRES HISTOIRE DES CIRQUES D'EUROPE (1680-1891) "

EMILIE LOISSET

Je ne peux évoquer ce nom sans que ma pensée s'attriste au souvenir du terrible accident qui a mis fin à la carrière trop courte, mais si glorieuse d'Emilie Loisset.

Un talent d'équitation hors ligne, beaucoup de grâce personnelle, un renom d'honnêteté conservé au milieu d'un monde et d'un genre de vie où la vertu n'est pas précisément commune, une alliance princière, une amitié illustre, de hautes prétentions hautement avouées, avaient réuni autour d'Emilie Loïsset les sympathies du monde parisien.

Elle était, par sa mère, de cette dynastie des Loisset qui, depuis 183o, est célèbre parmi les troupes équestres. Elle était née à Paris en 1856 et avait pour père Roux, le glacier de la rue Royale, le prédécesseur de Rouzé. Son oncle, François Loisset, fils du célèbre directeur du cirque de Hollande, qui fut dans ses vieux jours attaché à la cour du roi, fut son professeur d'équitation,François Loisset était cité comme le plus habile dresseur. Personne ne l'a égalé dans le dressage des chevaux en liberté. Il dirigea longtemps les cirques de Belgique et de Hollande et mourut, en 1878,

d'un anthrax. C'est lui qui, étant pensionnaire au Cirque d'Été, épousa la célèbre Caroline Loyo. Mais revenons à Emilie Loisset. Sans être précisément jolie, elle était fort séduisante, et personne n'a monté un cheval avec plus d'élégance et de légèreté. Elle avait vingt-six ans, mais elle en paraissait à peine dix-neuf; elle était restée toute jeune fille et on l'appelait la petite Loisset.

Elle était fort aimée de ses camarades à cause de sa bonté, et fort estimée en même temps, car, avec la très grande liberté d'allure qu'elle tenait de son éducation et de sa profession, elle savait se faire respecter.

Avant de devenir la savante écuyère de haute école qu'elle était, elle avait, avec sa sœur Clotilde, travaillé sur le panneau. Elle avait débuté à quinze ans, et pendant trois ans elle traversa les cerceaux avec sa sœur Clotilde, qui avait commencé à dix-sept ans. Un jour, elle fit une chute, se blessa au genou de la jambe gauche et abandonna le panneau.

C'est alors qu'elle travailla la haute école; et, en 1878, lorsque son oncle François mourut , elle était déjà de première force. Le Cirque Loisset s'étant disloqué à la suite de cette mort, Emilie et Clotilde cherchèrent un engagement pour la saison d'été de 1878.

Clotilde Loisset, une jolie blonde au gracieux sourire, ne faisait au Cirque d'Été que du travail debout. Elle était charmante; aussi à la fin de la saison fut-elle demandée en mariage par le prince de Reuss, Jean XXII, officier de la garde prussienne. Après son mariage, elle fut faite baronne de Reichenfeld et vint s'installer à Bruxelles, avec son mari.

Emilie affichait la prétention de ne contracter qu'une alliance semblable et avait fait graver cette devise ambitieuse sur le pommeau de sa cravache : Princesse ne daigne. Reine ne puis, Loisset suis. Ses prétentions se seraient réalisées si la mort n'était pas venue interrompre son rêve. Elle était fiancée au prince de Haszfeldt lorsqu'elle fut tuée en plein succès, en pleine jeunesse, les yeux fixés sur d'interminables et riants horizons. Quelle amertume et quelles angoisses !

Elles n'ont pas été épargnées à la jeune et vaillante écuyère.

Elle était revenue depuis quelques jours de Berlin et avait reparu trois ou quatre fois au Cirque d'Hiver. Elle aimait beaucoup Paris, et c'était pour elle un grand chagrin que d'en être si souvent séparée par ses engagements à l'étranger. Elle avait cette fois un engagement de six mois, et elle exprimait sa joie à ses amis en disant: « Au moins, de longtemps, je ne serai pas forcée de m'en aller.» Qui eût dit alors qu'elle ne s'en irait plus du tout?

Elle avait trois chevaux: Ben Azet, Mahomet et Pour- Toujours. Mahomet était son favori ; c'est avec lui qu'elle avait obtenu tous ses succès. C'était plaisir de le voir manœuvrer sous la cravache savante d'Emilie Loisset. Qui ne se rappelle la fin du travail de ce superbe alezan brûlé! Le cheval arrivait au centre du manège par une grande volte sur les hanches ; petit à petit, Emilie raccourcissait cette volte de manière que le cheval fût complètement assis sur les jarrets, puis, avec un léger point d'appui sur les rênes, elle lui faisait exécuter de suite cinq ou six bonds élevés et précipités, et elle quittait l'arène en lui faisant exécuter des lançades extraordinaires. Ce n'était plus les airs purs de l'école, mais quelle chaleur, quelle crânerie! Je la vois encore avec sa jolie petite figure blonde et ses grands yeux d'enfant, jouant sa vie pour arracher au public, qu'elle aimait par dessus tout, les bravos et les bis. Ah qu'elle était belle lorsque, dans son costume de bohémienne, elle arrivait au galop de Mahomet saluer la foule, qui l'applaudissait à tout rompre.

ecuyere emilie loisset

 

Après trois ans d'absence , Emilie Loisset était donc revenue à Paris, où l'appelait son engagement au Cirque d'Été. C'était la dernière fois qu'elle paraîtrait, car, comme je le dis plus haut, elle devait épouser à la fin de la saison le prince de Haszfeldt. Elle arriva en avril 1882 au Cirque d'Hiver avec ses chevaux, se contentant de les faire répéter, en attendant l'ouverture du Cirque des Champs-Elysées.

Presque tous les jours elle montait au concours hippique, et c'est à une de ces séances que lui vint l'idée de faire ses débuts au Cirque — sur son cheval sauteur, — cadeau d'un de ses adorateurs de Berlin.

Ce cheval se nommait Pour- Toujours. II était d'origine irlandaise et de mauvais cœur. En 1881, à Berlin, Emilie avait fait avec lui une chute qui aurait pu avoir des conséquences très graves. En sautant une table chargée de candélabres, le cheval manqua des pieds de devant et s'abattit en faisant panache en avant. Emilie Loisset en fut quitte pour une épaule démise. Elle aurait dû se défaire de ce dangereux animal, qui devait quelques mois après lui être fatal.

Elle était depuis huit jours à Paris quand, le 15 avril 1882, elle vint vers deux heures au Cirque d'Hiver et demanda à répéter.

Elle monta d'abord en haute école son cheval Mahomet puis elle fit seller Pour- Toujours.

En vain M. Charles Franconi lui avait plusieurs fois conseillé de renoncer à monter cette bête, le danger lui plaisait, et elle n'en fit qu'à sa guise. L'exercice qu'elle voulait répéter est cette rentrée triomphale que l'écuyère fait dans le cirque quand elle est rappelée par le public ; on sait qu'elle arrive à fond de train de l'écurie, saute un obstacle à l'entrée et vient saluer les spectateurs. QuandMlle Loisset fut en selle, on ferma derrière elle la porte en fer qui sépare la salle de l'écurie. C'est l'usage aux répétitions, parce que les chevaux rebelles ont une tendance à regagner l'écurie, dont le pavé offre un grave danger en cas d'accident. Mlle Loisset partit au galop pour franchir l'obstacle. Pour- Toujours, qui avait pris son élan, arriva en quelques foulées aux pieds de la table, s'arrêta net et refusa de sauter. Emilie, pour l'exciter à s'enlever de pied ferme lui cingla les flancs d'un vigoureux coup de cravache, l'animal furieux fit demi-tour et repartit au triple galop vers l'écurie. Laporte fermée l'arrêta, il pointa; ses pieds de derrière, entraînés par la vitesse acquise, glissèrent sous lui, il se balança une seconde et s'abattit lourdement entraînant sous lui la pauvre écuyère

On se précipita à son secours, et M. Charles Franconi la retira de sa selle; elle se releva, elle n'avait pas de blessure apparente ; mais se laissant tomber dans les bras de M. Franconi, elle lui dit doucement: « Je suis brisée, je sens que je vais mourir! »

On la transporta aussitôt dans la pharmacie du cirque, où les premiers soins lui furent donnés par les docteurs Pietri et Gery.

Elle souffrait beaucoup, car la fourche de la selle lui avait perforé les intestins. Après deux jours de douleurs horribles, la pauvre Emilie Loisset rendit le dernier soupir, surprise par la mort en pleine jeunesse et en plein succès.

Cette fin lugubre, loin de ce cher public qui l'avait tant de fois acclamée, et dans le silence de cet immense manège aux gradins vides, est affreusement cruelle.

 

Cette fin tragique à la une du "Voleur"

Emilie-loisset.jpg

 

Un autre article (cliquez pour aggrandir)

  emilie-loisset-presse.jpg

Dans "les jeux du cirque et la vie foraine" de H Le roux, 1889

C'est un de ces soirs-là, il y aura tantôt une vingtaine d'années, que je l'ai vue pour la première fois, avant ses succès de Paris et de Vienne, quand elle débutait dans la haute école et jouait une pantomime déguisée en Prince Charmant avec sa sœur Clotilde, — aujourd'hui princesse

hongroise, — c'est Là, dis-je, que je l'ai vue tout d'abord et aimée, la pauvre Emilie Loisset, dont Philippe Darvl a conté la touchante histoire dans son beau roman La petite Lainbton.

Emilie avait alors tout au plus dix-huit ans, et c'était bien la créature la plus gracieuse du monde. Une surprenante mélancolie régnait sur tout son visage et dans ses yeux. J'ai su par la suite que les succès les plus flatteurs n'avaient pu triompher de cette défiance de la vie, de ce goût romanesque de tristesse, qui, dans les derniers temps, avait fait louer à Emilie une villa juste en face du petit cimetière de Maisons-Laftitte.

C'est là qu'elle a été enterrée, le surlendemain du jour où on l'avait emportée du cirque, meurtrie, éventrée, écrasée par la chute du cheval qui, dans le refus du saut, s'était renversé sur elle.

Qu'on me pardonne, au début de ce chapitre, d'avoir tout d'abord évoqué le mélancolique sourire de celle qui n'est plus. Je devais ce salut à Emilie Loisset; car c'est grâce à elle que j'ai eu, tout

enfant, la révélation troublante de la beauté de la femme à cheval, de cet accouplement plastique des deux curvilignités les plus parfaites de la création : l'étalon, grandissant la femme de toute la

majesté de sa stature ; la femme, sur la bête qu'elle monte, audacieusement posée comme une aile.

Le travail a été long qui précède pour l'écuyère et pour le cheval ce mariage harmonieux. Encore

que la femme et la bête aient une lente habitude à conquérir ensemble, jusqu'à la correspondance

parfaite des volontés et des obéissances, chacun d'eux a fait ses classes isolément, lentement, pour

arriver assoupli, sûr de soi-même, à la rencontre des fiançailles.

 

 

A noter que cette écuyère inspire toujours les artistes, exemple cette ouevre de Kinga litkey

  emilie loisset amazone

http://kingalitkey.blogspot.com/

 

Tag(s) : #Equitation en amazone spectacle écuyère de cirque
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :